Adieu les cons (Dupontel)

[Mister BAdmin-Man]

Le dernier jour avant le confinement, je suis allé voir Cézanne au Marmottan et Dupontel au MK2.

Et autant dire que le confinement est tombé au pire moment puisqu'il vient couper en plein élan le démarrage d'un film qui était promis à un beau box-office !



Dans [url=une conférence fort intéressante][/url] (que j'ai découverte avec Phebuscocker), le critique Jean-Baptiste Thoret tentait de comprendre le marasme dans lequel le cinéma populaire français se trouve plongé depuis une bonne vingtaine d'années. Il pointait notamment deux tendances majeures : ces films ne sont plus du cinéma et l'apolitisme de ce que l'on appelle le cinéma français.

Tout d'abord, les films tels qu'ils sont ne se réfèrent plus à un espace commun cinématographique partagé entre le spectateur et les auteurs de films, ils ne dialoguent plus avec l'histoire du cinéma. Et ce précisément parce que cet espace commun s'est déplacé vers les jeux vidéo, la vidéo YouTube, le vidéo clip, la télévision. Thoret abordait notamment la question de l'esthétique publicitaire, de cette esthétique fondée moins sur une imagerie publicitaire (encore que) que sur des stéréotypes publicitaires dans lesquels les histoires et les personnages sont enfermés sans possibilité d'évoluer. Le personnage n'existe plus au-delà du stéréotype. Je vous invite à regarder la conférence car Thoret développe de manière très intéressante cette théorie et montre notamment combien le financement par la télévision a entraîné une profonde mutation de l'expression filmique française.

L'autre problème, si je devais poursuivre mon résumé, serait celui du vide politique du cinéma français et par là-même de la comédie dite populaire. Ou plutôt qu'un vide politique, Thoret pointe davantage un message politique de refus de la politique. Ces films montrent une France immuable, apolitique et désintéressée par la politique, d'une France qui a peur du mouvement et de ce qui la bouscule aujourd'hui. Thoret propose notamment une édifiante étude de cas autour du message anti-raciste ambigu proposé par Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu.



Bref, je me suis permis cette longue introduction sous forme de digression, car précisément Adieu les cons fait chaud au cœur ! Il prouve que la comédie française dite populaire n'a pas encore dit son dernier mot, que la tendance analysée par Thoret n'est pas inéluctable, qu'elle n'a pas encore capitulé face aux dany-booneries et autres frank-duboscades. Qu'il est bon de voir que face à toutes ces productions insipides, peut encore se déployer une expression comique française proprement cinématographique. La mise en scène se révèle puissante avec un usage efficace du montage, des profondeurs de champ et des travellings.

J'ai été particulièrement marqué par deux plans, deux travellings mis bout à bout qui résument les enjeux du film par des procédés très simples : un travelling vertical arrière qui s'éloigne de Dupontel pour le perdre dans le cadre, suivi, par la grâce d'un fondu enchaîné, d'un travelling avant sur le plan labyrinthique d'un bâtiment administratif devant lequel se trouve Virgina Efira, qui incarne le personnage d'une mourante qui cherche son fils né sous X. Ces deux plans disent tout des motivations des personnages, de leur faiblesse, de leur détresse, de leur mal-être, mais aussi de ce qui liera Dupontel et Efira ;c'est un pur et beau moment de narration visuelle cinématographique.



Moment qui fait écho aussi au message assez politique du film. Car Dupontel n'esquive pas de parler politique dans son film, politique au sens premier du terme, puisqu'il se plaît à traiter des débats qui secouent notre cité. Sa liberté de ton surprenante détonne tellement dans le paysage cinématographique aseptisé qui est le nôtre quand pourtant Dupontel est loin de faire œuvre de subversion. Non, Dupontel a simplement la lucidité de s'attaquer frontalement, mais avec beaucoup d'humour, aux questions des violences policières, de la technocratie qui nie l'homme, de notre rapport compulsif aux NTIC, de la solitude qui mine les rapports sociaux.

Il me faudrait encore parler de la très bonne distribution, de la photographie, mais mes commentaires et digressions ont assez duré. Il ne me reste qu'à dire : allez voir ce film dès la fin du confinement. Allez-y, mais allez-y ! C'est presque un devoir ! C'est drôle, bien mis en scène et bien interprété. Non, le cinéma français populaire n'est pas mort ! :phe

[ALIASAdmin-Woman]

Comme j’aimerais le voir.
As tu vu son interview YouTube sur Thinkerview ?

[Mister BAdmin-Man]

Comme j’aimerais le voir.
As tu vu son interview YouTube sur Thinkerview ?

Ah non, j'irai y jeter un œil. ::

[phebuscockerMembre des Thunderbolts]

Film enfin vu !
Bordel que c'était sombre et désespéré même pour du Dupontel )
Si il a délaissé le noir trash et cartoonesque période Bernie son regard sur la société est toujours aussi acerbe. Toute le monde en prend pour son grade !

Que dire de plus pour vous convaincre de le regarder ? La réalisation fourmille d'idées Gilliamesque (qui est présent pour son caméo), le casting, entre habitués (Nicolas Marié, Michel Vuillermoz, Phillipe Uchan) et petits nouveaux (Virginie Efira en tête) est une fois de plus parfait. Un très bon Dupontel et un très bon film français donc, un drame parfois drôle, parfois poétique mais toujours pertinent.

Comme quoi le cinéma français peut proposer une mise en scène travaillée, avoir quelque chose à raconter tout en s'adressant à un large public ! Merci à ce film de nous le rappeler :d

[Mister BAdmin-Man]

Heureux d'apprendre que tu l'as beaucoup aimé aussi !

Tiens oui, je n'avais pas pensé à relever cette filiation avec Terry Gilliam, mais maintenant que tu le dis !

[phebuscockerMembre des Thunderbolts]

Il y a du Brazil dans la mise en scène, dans l'histoire mais également dans les noms des personnages ! En effet De Niro jouait Tuttle, Ian Holm M. Kurtzmann et Michael Palin Lint. Je ne pense pas que ce soit une coïncidence !

Vu hier soir et comment ne pas être charmé par ce film de Dupontel.

Son dernier film, je crois, Au-revoir là-haut, m'avais bien plu (surtout les premières scènes dans les tranchées qui étaient superbement bien filmées) et puis tout ce mystère, cette façon de filmer et surtout la poésie qui jaillis chez Dupontel qui transpire dans ses films c'est le côté magique Frenchy. Cela m'arrive lorsque je regarde des Miyazaky et Dupontel arrive à me donner les même sensations. Il me transporte loin de la TV.

On se laisse guider, séduire, charmer par l'écriture, les dialogues et la mise en scène avec certains moments de sourire.

Virginie Elfira : que dire ? Elle progresse de plus en plus dans ses films, s'investie corps et âme. J'ai vu récemment 20 ans d'écart et elle y jouait vraiment bien, mais là, dans Adieu les cons, elle est touchante, complètement sincère.

Dupontel sait nous mettre dans l'action, nous plonger dans un film où tout est focalisé sur Elfira et lui, à un tel point que d'habitude lorsque le film est fini, j'éteins la TV et hop au lit. Mais là, suis resté un petit moment sur le canapé comme si j'avais été porté tout du long... légèrement.

C'était parfait. Que ça fait du bien ce genre de film !

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